« Les personnes âgées ont le droit de choisir la vie qu’elles veulent mener ». L’affirmation de Mme Georges Pau-Langevin, adjointe à la défenseure des droits, convient à Patrick Fournier, président de « Debout Les Aîné.e.s ». Dans une société où les personnes âgées seront de plus en plus nombreuses, il importe de respecter les droits des plus âgés, y compris lorsqu’ils tombent dans la dépendance, et de leur donner une vraie place de citoyen, d’écouter leurs besoins et leurs désirs, et d’en faire des acteurs au sein de la société avec leurs expériences et leurs compétences.
Dans le cadre de « l’automne bleu » organisé par la Maison des Ainés de Villeneuve d’Ascq, « Debout Les Aîné.e.s » a proposé au public villeneuvois et métropolitain, une conférence débat sur le thème « des discriminations liées à l’âge ». L’idée et le projet en revient à Vincent Verbeeck, fondateur de l’association et également délégué de la défenseure des droits. C’est pourquoi la conférence, ouverte par le maire de Villeneuve d’Ascq, a commencé par un éloge en souvenir du fondateur, décédé récemment, dont Mme Pau-Langevin a souligné l’engagement.
Les personnes âgées souffrent-elles de discriminations ? Le sujet est complexe, car bien peu nombreuses sont celles qui s’en plaignent et le nombre des recours auprès de la défenseure est faible. Ce qui, hélas, ne signifie pas que les droits soient partout respectés mais bien plutôt que les personnes les plus âgées et les plus vulnérables intègrent souvent le fait que diminuées elles doivent accepter. Comme le dit Bernard Ennuyer, sociologue, autre intervenant à la table ronde, les personnes âgées souffrent souvent d’une représentation négative. Elles se sentent perçues comme « un problème social » et elles intègrent comme normales et justifiées les injustices dont elles sont victimes.
Les services de la défenseure des droits ont réalisé une enquête auprès d’un panel élargi. Son rapport constate que, bien que non déclarées, les discriminations dont souffrent les personnes âgées sont nombreuses. Beaucoup éprouvent des difficultés à accéder à leurs droits, à contacter les services publics, à utiliser les réseaux de transport en commun. Mme Pau-Langevin cite plusieurs exemples, par exemple des refus dans l’accès au logement ou dans l’accès au crédit.
Pour une part importante les difficultés d’accès aux services publics ou privés, sont liées à la « dématérialisation » des démarches. Les guichets sont remplacés par des robots informatiques, les formulaires sont à remplir sur un ordinateur ou un téléphone. Un casse-tête pour beaucoup, un obstacle insurmontable pour certains. Selon les évaluations, un tiers des personnes âgées éprouvent des difficultés à accéder à des démarches sur internet alors que celles-ci sont devenues obligatoires dans nombre de cas. Devant des difficultés il est fréquent que des personnes âgées, renoncent à faire valoir leurs droits. Or, ce sont les plus faibles, les plus âgés, les plus démunis, et les plus exclus qui abandonnent. « Nous insistons note Mme Pau-Langevin, pour que les administrations rétablissent des contacts physiques », pour permettre à tous de surmonter les obstacles d’une informatisation qui a déshumanisé les relations avec les usagers.
De son côté Bernard Ennuyer souligne les effets de ce qu’il qualifie « d’âgisme » à savoir une représentation négative de la vieillesse. « Jusque dans l’emploi on voit apparaitre l’idée qu’en vieillissant une personne n’est plus bonne à rien, et devient inutile ». Les politiques publiques considèrent le vieillissement comme « un problème », ou une charge, et non comme une ressource. Et c’est cette vision négative de l’âge qui conduit à des discriminations, souvent acceptées par ceux qui les subissent.
La récente pandémie a par exemple conduit à isoler des personnes âgées interdites de relation pour des raisons sanitaires. Dans certains établissements tous les contacts avec les familles ont été interdits. « Pourtant note Mme Pau-Langevin, dont les services ont étudié le sujet, un EHPAD n’est pas une prison et chacun doit avoir le droit d’y mener la vie qu’il souhaite ».
Une centaine de personnes ont suivi et participé au débat, accumulant les exemples. Les discriminations ne frappent pas seulement les personnes âgées mais également les aidants dont le rôle est peu reconnu et qui doivent affronter des obstacles administratifs trop complexes et inadaptés aux réalités.
C’était donc pour Patrick Fournier une bonne introduction à la présentation de l’association « Debout Les Aîné.e.s ». La conférence avait comme objet principal de décrire son objet. Il en a présenté les grandes lignes, l’organisation de comités locaux, au plus près des réalités vécues par les personnes âgées et au plus près des « invisibles » ceux-là même qui subissent sans se plaindre.
Il y aura d’autres conférences, d’autres rencontres pour mobiliser les personnes âgées et les convaincre d’avoir à prendre en main leur destin.
Sur place les participants ont été invités à réfléchir aux priorités à donner à la réflexion de l’association. Tous les sujets sont sur la table. Une dizaine d’entre eux ont été proposés. Pour les participants à la conférence de Villeneuve d’Ascq, trois thèmes ont paru prioritaires, celui du logement et de son adaptation au vieillissement, celui de la participation citoyenne à la vie publique et locale et le repérage des « invisibles ».
Des groupes de travail vont se mettre en place sur ces trois sujets, mais il y a encore bien des thèmes à traiter : celui de l’arrivée à la retraite, le bien vieillir, la solitude et le veuvage, l’insertion malgré la maladie, la mobilité au grand âge, le soutien aux aidants et les liens intergénérationnels à développer. La question de repérer et intégrer les « invisibles » ceux et celles qui subissent sans se plaindre, qui vivent l’isolement et la dépendance est essentielle.
Autant dire que le sujet du vieillissement porte en lui nombre d’interrogations cruciales pour la vie de la société. Il importe que les ainés s’en emparent et deviennent acteurs de leur propre existence.